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L'UTMB les 26, 27 et 28 août 2005... en 39h07'04

 


774 coureurs sur 2000 ont franchi la ligne d'arrivée à Chamonix : il en fait partie...

 

Arriver sur les lieux du défi une semaine avant, de façon à bien prendre mes repères, m’habituer à l’altitude et reconnaître le terrain sur lequel j’allais courir a été une bonne chose je pense. Dernière préparation pour moi : une marche de 5 heures aller-retour le mardi 23, reliant le bas de Chamonix à la Mer de Glace pour une petite mise en jambes et une bien agréable façon de découvrir ce site merveilleux...

Ça y est, le jour j est arrivé. Je me prépare dans le chalet. Pas de pression particulière car il est vrai que j’attends ce moment depuis bien longtemps... Je suis prêt, et c’est très serein que je me dirige vers la place du Triangle de l’Amitié, lieu du départ et d'arrivée, accompagné de ma femme et mon fils qui m'ont soutenu tout au long de ces mois de préparation (et ce n’est pas rien, croyez-moi !).

Il est 18h au clocher. Dans une demi-heure, le briefing... L’effervescence est à son comble ici ! Sur certains visages, c’est l’inquiétude qui ressort. Cela est bien normal quand on sait la distance à parcourir :  158km avec un dénivelé positif de 8500m , impressionnant !

C’est fou comme le temps passe vite si près du départ... Ca y est,  ça cause dans le micro, les officiels et organisateurs pour les dernières recommandations. Tout le monde est très attentif. Il est vrai qu’une info de dernières minute sur les températures la-haut est toujours bonne à glaner pour la façon de s’habiller.

Rencontre avec d’autres Bretons à une demi-heure du départ. On s’était vus lors des 6 heures de Scaër au mois de juin. C’est bon,  je ne suis pas le seul avec le drapeau "Gwen ha Du". Super ! Le départ est éminent. J’embrasse mes deux coaches en leur disant au lendemain à Courmayeur (Italie) Ça fait vraiment bizarre! Les 2000 coureurs que nous sommes pour cette 3ème édition resserrent les rangs. Ca y est, il est 19h. C'EST LA DELIVRANCE, NOUS VOILA PARTIS, encouragés par la foule de touristes et locaux venu très nombreux nous applaudir.

Je consulte ma feuille de route que je connais pourtant presque par coeur : barrière horaire, estimation sur ma progression... Cela parait facile sur le papier, mais je sais que ça ne sera pas de la crème, ce Mont-blanc... Qu’importe ! Je suis venu du fin fond de ma Bretagne avec une seule idée en tête, réussir parole de Breton!

La nuit arrive vite : je m’équipe en frontale et polaire plus coupe- vent. 1ère difficulté : le col de Voza 1653m. Pas de problème, ça monte gentiment. Tout se passe bien et, en bonus, un magnifique coucher de soleil sur la montagne enneigée. Je craque-non, pardon ! Je m’arrête pour prendre des photos avec une petite pensée pour Jacques qui, je sais, saura en faire bon usage. Rencontre avec un autre Breton, venu de Pontivy lui... On fait un petit bout de chemin ensembles, parlons de choses et d’autres, de course surtout ! Comme moi, il est arrivé une semaine avant, mais en camping. Dur dur avec la flotte qui est tombée au début du séjour ! Puis descente vers les Contamines ou nous attend un ravito conséquent km 25. J’y arrive à 11h. Là, arrêt de 5/10mn, remplissage du camel back, prise de solide et relance dans la nuit. Prochaine difficulté la croix du Bonhomme 2479 m ça va monter dur!

Je m’y prépare, attrape les bâtons à l’arrière du sac, les règle à la bonne hauteur (de mon avis quasiment indispensables pour ce type d’épreuve). Ca monte la Balme 1706m. Les frontales percent la nuit et ce long cortège sinueux de lumières trace la voie vers le sommet. Arrivé au col du Bonhomme 2329m, le terrain devient beaucoup plus technique. Il faut zigzaguer entre les rochers et ça monte toujours autant jusqu’au refuge ! Enfin le sommet... Ouf ! Un bon casse croûte d’avalé. Je passe au négatif, génial avec la descente vers les Chapieux, Je récupère mais  tout en restant très vigilant au niveau des appuis, sagesse oblige. Le km 44 pointe son nez... Ca y est, les Chapieux ! Une petite pause, cela va faire du bien ! Contrôle du sac et du bonhomme, tout va bien (pas pour le sac il se contente de suivre en éternel second). Si seulement on pouvait inverser les rôles la course serait moins dure !!! Mais bon je me vois mal en sac... Stop, stop, le délire Steph ! Il faut repartir la route est longue encore!

Après dix minutes d’arrêt me voilà reparti, la forme est bonne prochaine étape : Col de La Seigne puis descente vers le refuge Elisabetta à 2200. La grimpette se passe bien on est à 2516m le jour commence à se lever, superbe! Une première nuit qui s’est très bien passée et me voilà rendu au refuge. Il est 7h du mat et je crois bien que je vais m’accorder là une petite pause et un bon café surtout. Pas de soucis particulier au niveau de la bouffe, tout passe bien pour l’instant... Pourvu que ça dure! Je tombe le coupe-vent que je glisse dans mon fidèle compagnon et je repars de plus belle dans mon périple en me disant pour la motivation tout une journée à courir. Super quoi ! Et oui, on ne se refait pas!

Me voilà donc reparti, prochain pic, l'Arête du Mont Favre. On est loin de la mer, pourtant, mais même ici il y a des arêtes!!! J’espère que je ne vais pas l’avaler de travers celle là ! Tout ce passe bien jusqu’au sommet de celle-ci, mais dès que je commence à redescendre en rapide, une douleur à l’intérieur de la cuisse gauche, très douloureuse, me contraint a ralentir. Je sais aussi que je ne suis pas loin de Courmayeur, 10km environ, avec ravito entre les deux. Je gère tranquille jusqu’au 67ème km Au refuge Maison Viellet , je décide de m’arrêter quelques instants pour m’étirer et souffler un peu. Cela me fait beaucoup de bien. Je décide de ne plus penser à cette cuisse et repars. Je pense uniquement à ma femme et mon fils qui se sont levés ce matin de bonheur pour venir m’accueillir à Courmayeur... Et moi qui leur avait donné une estimation de course à 13h environ en comparaison des Templiers couru en 2004... rien à voir finalement ! Quel fainéant !!! 2h de retard, mais bon ! Comme dit le proverbe : les stars savent se faire attendre. Quel bonheur de les voir, 15h après; Partager de tels moments avec des êtres proches, c’est vraiment inestimable.

  Steph Courmayeur

 Stéphane arrive à Courmayeur

Je fait donc partie des classés, en bouclant ces 72km... Mais je n’ai pas l’intention d’en rester là et ce n’est pas une petite douleur à la cuisse qui va me faire peur ! Je récupère mon sac, rapatrié de Chamonix, et direction la douche : inspection des pieds... aucune luciole a recenser, nickel chrome ! Je renfile une tenue plus légère pour la suite (débardeur) puis retrouve mes proches pour me poser un peu, discuter et manger tranquillement. On visionne les photos que j’ai prises au numérique sur cette première partie magnifique, ce coucher de soleil et tous ces paysages de carte postale !

Cet arrêt aura duré une heure mais il faut songer a repartir. Je les embrasse très fort : je sais que je ne les reverrai, au mieux qu’à l’arrivée, au pire je n’y pense pas ou je ne veux pas y penser tout simplement !!!

 2  

La cuisse ça va... la douche a fait son effet, visiblement. Je cours normalement génial ! Je commence à sentir le dénivelé... quand même normal, les jambes ont refroidi un peu.

5km et j’arrive au refuge Bertone ou nous attend le 9ème ravito, petit arrêt rapide le temps d’admirer ce panorama du versant sud du massif du Mont-blanc qui s’offre à nos regards la Dent du Géant et les Grandes Jorasses. Magnifique !

Le dénivelé se stabilise jusqu'à Arnuva km 89.  Mais attention, une grosse difficulté à venir le grand col Ferret 2537m. Il est 15h pile... et ça y est, l’ascension commence. Je monte avec une vingtaine d’autres coureurs c’est dur, très dur ! Personne ne pipe mot; l’organisme souffre, les jambes dégustent.

Aux 3/4, je puise dans les réserves... je sais pourtant que la course est encore bien longue pour faire l’erreur de rentrer dans le rouge et de ne plus en sortir;.. Mais je n’ai pas le choix ! C’est ça, ou je m’arrête et c’est fini. Donc, je prends le risque et j’avance. C’est là que le mental aussi prend la relève : un mental forgé dans l’acier qui ma sauvé la mise plus d’une fois. J’y crois et au bout de deux heures le sommet.

Mon corps est vidé : plus d’énergie, comme une pile hors d’usage !!!

 Je dois absolument m’arrêter pour m’alimenter urgent (gel et barre) et repositiver. Un arrêt de dix minutes s’impose pour récupérer de cette bosse de fou. Je recharge les accus, je marche tranquille puis commence a trottiner. Ca descend doucement cela fait du bien... J’arrive assez rapidement au 10ème ravito au chalet de la Peulaz ou je reste peu de temps, puis reprends ma descente qui me mènera au km102 à La Fouly ou je décide de faire un arrêt plus long pour me préparer à la 2ème nuit, me nourrir, m’habiller chaudement et refaire le plein d’eau.

Il est 19 h30, plus de 24h de course le cap est franchi pour moi car je n’est encore jamais couru plus de 24h. Je sens que je tiens le bon bout, et c’est gonflé à bloc que j’attaque ma deuxième nuit.

Il est 21h quand je passe au km 102 à Praz de Fort : c’est le 12ème ravito Je ne m’y attarde pas trop, j’ai hâte d’arriver au plus vite à Champex d’en Bas pour manger quelque chose de conséquent... je décide alors d’accélérer l’allure tout va bien même si je me sens bien seul des fois : moins de coureurs pour cette deuxième nuit un grand nombre ayant arrêté à Courmayeur. J’essaie de ne pas y penser en me projetant vers l’avant... Champex bientôt, et j’avance avec pour seuls compagnons un léger crachin pas breton celui là par contre, et le noir que la frontale perce sous ma casquette.

Il est 11h 15 quand j’arrive à Champex (Suisse) tant attendu : km 119. Je retrouve là mon 2ème sac de changes. Je déchausse illico en arrivant : échauffement au niveau d’un doigt; il faut soigner rapidement; un compeed et le tour est joué !J'en profite également pour faire un bilan général tant qu’a faire et m’étirer surtout.

Je m’aperçois aussi très vite que c’est le bordel ici. Les coureurs se changent à même les tables. Pas de douches, apparemment... je décide donc de ne pas m’éterniser, me restaure suffisamment, refait le plein d’eau et barre de céréales pour la réserve puis quitte la base après 1/2heure seulement d’arrêt, direction Bovine km 126. Le crachin est remplacé par un brouillard et, au bout d’un moment, l’humidité me traverse... je m’arrête le temps d’enfiler une autre couche et repars dans le noir, sur un sol de plus en plus instable. Ca monte, et ça monte dur, aussi, cette partie... D’autant plus que le manque de sommeil commence cruellement a se faire ressentir, J’atteinds Bovineà 2h du mat et je rêve d’un bon lit après presque 31h de course mais bon je sais que ce n’est pas pour encore et, en attendant, je me fait plaisir avec une délicieuse soupe bien chaude quelques morceaux de bananes et des gâteaux salés (très important de refaire du sel). Je termine ce festin par un café noir comme la nuit, histoire de me booster un zeste et c’est reparti vers le village de Trient que j’atteinds 1h30 après Bovine. A cette heure là, on peut dire que ce n’est pas la foule au balcon, Je me restaure léger ce coup ci. Tout va bien ! Les pieds, les jambes, le mental : tout baigne ! Je n’ai hâte qu’à une chose, c’est de voir le jour se lever au plus tôt.

Ça repart raide sur 3 /4 km vers les Tseppes dernière grosse difficulté soulignée au fluo sur ma feuille de route; Je l’aborde en douceur, mais même en douceur c’est dur très dur. Le brouillard est dense et je lutte pour rester éveillé... mes yeux me lâchent tout doucement, mes jambes aussi... Aucun bruit autour de moi : je suis seul dans l’immensité obscure. Même pas le bruit des bâtons qui s’enfonce dans le sol détrempé. Ca devient très limite. La tête n’est plus trop là, alors que c’était le moment de ne plus trop faire confiance aux jambes et de passer le relais au mental. .

J’entends enfin parler devant moi, c’est pas du Français qu’importe ! Je relève la tête, refait surface et les distingue. Ils sont deux, Italiens apparemment; je ne veux pas les perdre, mes jambes ont bien compris ! Ca y est, je les rejoints et ils m’amènent jusqu’au ravitaillement à Tseppes. Il est 5h, et dans à peine deux heures, le jour tant attendu... je m’alimente : solide et liquide (bien manger tout en restant raisonnable). Je regarde mon book avant de repartir... Que de chemin parcouru et plus qu’une vingtaine de km pour finir ! Le calcul est très vite fait dans ma tête estimation entre 4h et 5 h de course dans le meilleur des cas.

Je repars, suis surpris de constater que le physique tient bon; pas de douleurs musculaires ni de problème intestinaux. Je me dis, pour positiver, que l’entraînement était certainement à la hauteur du défi ! Encore une légère montée et puis je repasse au négatif ; maintenant ça va descendre de chez descendre en passant par les Esserts jusqu’a Vallorcine : une descente très technique de nuit, avec mauvaise visibilité et crachin sur terrain hyper glissant en plus ! Vraiment de quoi déprimer ! Les chaussures commencent à s’alourdir en saturant de boue, les cailloux y pénètrent ça fait mal, très mal, les genoux hurlent la mort, c’est l’horreur ! 2h de descente infernale et le jour se lève sur Vallorcine les genoux ont dégusté, et c'est dur de relancer ce corps meurtri. Qu’importe! J’arrive à la conclusion de mon périple 16 km et c’est gagné!  

3        

Remotivé de me l’entendre dire je repars tout doucement vers le col des Montets avec un autre coureur, un Pyrénéen. Le dernier col, celui-là... pas très haut dieu merci! On se motive mutuellement et ça marche. On avance, on parle, ça aide et ça me change. J’étais si seul ces derniers temps ! Ce col se passe sans douleurs pour moi... Puis vient Argentieres km149 où nous attend le dernier ravito.

Il est 8h 30. Petite pause gastronomique, et on se dit que c’est gagné pour nous; dernière étape Chamonix .On repart tous les deux pour 9 bornes (pas les plus faciles sûrement) mais les plus porteuses, certainement, car Chamonix nous attend !

Les jambes sont très douloureuses et les genoux jouent des castagnettes mais peu importe on court, on marche, on se passe les relais et on forme une belle équipe de Finishers. Pourtant, à 5km du final, mon compagnon préfère ralentir. Je comprends et c’est donc seul que je pénètre dans Chamonix accueilli tel un héros.

L’émotion est immense et me gagne au plus profond de moi même, une poignée de mètres me sépare de cette arrivée tant désirée... je la franchis...  

c’est gagné le défi est relevé

Ma femme et mon fils viennent à ma rencontre... on s’embrasse, que c’est bon de retrouver les siens, des moments précieux et inoubliables.

158km pour se dépasser aller au bout de soi et même si souffrances, mines piteuses et isolement sont le lot de tous, on ne peux que sortir enrichi d’une telle épreuve, car c’est ça l’ULTRA : le dépassement à l’extrême !

Stéphane se classe 420ème au scratch et 182ème de sa catégorie.

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